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Assis sur un tabouret, je contemplais dans le ravissement toute l’élégance de sa personne. […] Pour me mettre mieux à portée de la voir, elle vint se placer debout devant moi. Je visite ses poches : j’y trouve tabatière d’or, bonbonnière enrichie de perles fines, étui d’or, lorgnette superbe, mouchoirs de batiste de la plus grande finesse, imbibés plutôt que parfumés des plus précieuses essences ; enfin je trouve un pistolet : c’était un briquet anglais d’un acier pur et du plus beau fini."
Casanova, Mémoires
L’exposition Luxe de poche au musée Cognacq-Jay présente une collection exceptionnelle de petits objets précieux et sophistiqués, en or, enrichis de pierres dures ou de pierres précieuses, couverts de nacre, de porcelaine ou d’émaux translucides, parfois ornés de miniatures. Les usages de ces objets varient, mais ils ressortent tous des us et coutumes d’un quotidien raffiné, signe de richesse, souvenir intime. Au siècle des Lumières comme aux suivants, ils suscitent un véritable engouement en France d’abord puis dans toute l’Europe.
Luxe de poche a pour ambition de renouveler le regard que l’on porte sur ces objets, en adoptant une approche plurielle, qui convoque à la fois l’histoire de l’art et l’histoire de la mode, l’histoire des techniques, l’histoire culturelle et l’anthropologie en faisant résonner ces objets avec d’autres œuvres : des accessoires de mode, mais aussi les vêtements qu’ils viennent compléter, le mobilier où ils sont rangés ou présentés et enfin des tableaux, dessins et gravures où ces objets sont mis en scène. Ce dialogue permet d’envisager ces objets dans le contexte plus large du luxe et de la mode au XVIIIe et au début du XIXe siècle.
Point de départ de cette nouvelle exposition, l’exceptionnelle collection d’Ernest Cognacq est enrichie de prêts importants – d’institutions prestigieuses comme le musée du Louvre, le musée des Arts décoratifs de Paris,
le Château de Versailles, le Palais Galliera, les Collections royales anglaises ou le Victoria and Albert Museum à Londres - afin d’offrir une nouvelle lecture de ces accessoires indispensables du luxe.
PARCOURS DE L'EXPOSITION
Tabatières, bonbonnières, drageoirs, étuis à cire, boîtes à mouche ou à fard, nécessaires à écrire ou à broder, pommeau de canne, ¡acons à parfum, châtelaines, lorgnettes, …
Les premières salles de l’exposition s’intéressent à la typologie et la variété de ces objets tant dans la forme et les matériaux - pierres dures ou précieuses, nacre, porcelaine, émaux, laque… - que dans les techniques utilisées.
La troisième salle explore leurs usages et les rituels qu’ils accompagnent.
Mobiles, tenant dans la main ou portés au plus près de soi dans les poches, les boîtes, étuis et tabatières sont à la fois personnels, voire intimes, et éminemment sociaux : accompagnant leur propriétaire à chaque instant de la journée, ils sont utilisés hors de la stricte sphère intime pour aller sur le théâtre du monde.
Destinés à être vus et montrés, ils relèvent pleinement de la parure et des stratégies de l’élégance et, avec le reste de la tenue, contribuent à façonner la culture des apparences caractéristique du siècle.
Intégrés à différentes pratiques de sociabilité, les objets de poche déclinent leurs usages tout au long de la journée. Chez les élégantes, les rituels dédiés à la toilette commencent par l’attention portée à leur apparence, grâce à de délicates boîtes à poudre, à mouches ou parfums.
En compagnie, dans un salon, il est d’usage de sortir de ses poches une jolie tabatière ou un nécessaire à couture. Les mondanités du soir, au théâtre ou au bal, invitent à l’échange de messages auxquels participent de précieux étuis à tablettes tandis que les ingénieuses lorgnettes permettent autant de voir que d’être vu.
Le parcours envisage ensuite la fabrique de ces objets où se cristallise la virtuosité et les inventions fabuleuses des meilleurs orfèvres. Cette fabrication requiert de nombreuses expertises : peintres émailleurs, lapidaires, vernisseurs…
Les innovations techniques offrent de multiples possibilités. En or, en totalité ou en partie, enrichis de pierres, d’émail, de nacre, ces objets rappellent l’excellence des orfèvres au XVIIIe siècle à Paris.
L’étude des centres de production, l’organisation des métiers et du rôle des intervenants - boutiques spécialisées, marchands merciers - éclaire le circuit de diffusion, de la fabrique à la vente.
Ces objets de luxe rencontrent un véritable succès et suivent les effets de mode.
Les œuvres d’Antoine Watteau ou Jean-Baptiste Greuze deviennent ainsi sources et modèles. Leurs compositions les plus fameuses se retrouvent sur de nombreuses boîtes.
Apanage luxueux des monarques, des membres des familles royales et des cours à travers l’Europe, ces petits objets précieux sont dès le XVIIIe siècle, autant offerts que collectionnés.
Frédéric II (1712-1786), roi de Prusse, rassemble ainsi près de trois cents tabatières, ornées d’une profusion de pierres précieuses.