Les décors de la Chancellerie d'Orléans à l’hôtel de Rohan

Je suis passé aujourd’hui aux AN, le fait est que la partie jardin est toujours occupée par des bâtiments supposés être provisoires (Algeco verts sur plusieurs niveaux).
Ils servent notamment aux services du musée Picasso et à ceux du ministère de la Culture qui retape le bâtiment des années 50 tout proche (à droite de la photo) pour y regrouper ses services.

La vision depuis les fenêtres de la Chancellerie reconstituée au rez-de-chaussée (bâtiment du fond) promet d’être sinistre encore un certain temps.

Les gros travaux d'excavation et de surélévation des plafonds du rdc pour contenir des décors sont en cours, avec du retard donc...

Paris : les trésors cachés de la Chancellerie d’Orléans présentés exceptionnellement aux Archives nationales
Connaissances des Arts. Hervé Grandsart, Journaliste et Historien de l'art. 16/09/2021.

La présentation des décors du XVIIIe siècle de la Chancellerie d’Orléans remontés à l’Hôtel de Rohan, à Paris, aux Archives nationales, marquera les Journées 2021 du patrimoine.
Une opération complexe rendue possible par une fédération de bonnes volontés et de compétences multiples.

C’était promis : croix de bois, croix de fer ! Après la destruction, en 1923, de la Chancellerie d’Orléans dans le quartier du Palais-Royal, à Paris, pour permettre l’agrandissement du siège historique de la Banque de France à l’Hôtel de Toulouse, l’institution s’était engagée à préserver de rares éléments de décors du XVIIIe siècle. Bien qu’un plafond de 1707 témoignât encore de l’époque de construction (1705) de l’hôtel par l’architecte Germain Boffrand pour une maîtresse de Philippe d’Orléans (futur Régent), la décoration restait en majorité liée aux fastueux travaux des années 1764-1770. Engagés par Marc René d’Argenson (1722-1782), marquis de Voyer, avec l’aide de l’architecte décorateur Charles de Wailly (1730-1798), l’un des grands maîtres du retour à l’antique, ils allaient faire de la Chancellerie un hôtel à la pointe de la mode et des marques de confort, comprenant eau courante et chauffage sophistiqué. Avant que ce membre d’une puissante famille liée aux ducs d’Orléans n’héritât de l’usufruit, l’hôtel avait abrité, entre 1725 et 1751, la chancellerie d’Orléans qui lui laissa son nom.

En vue d’un remontage dans un lieu à définir, Alphonse Defrasse, architecte de la banque, avait déposé avec soin les sculptures extérieures ainsi que les éléments de décoration issus des quatre pièces d’apparat du rez-de-chaussée en corps double. Las, la crise économique de 1929 et la dernière guerre vinrent ruiner cette intention et les cent deux caisses de décors restèrent entreposées à Asnières. Elles ne furent pas oubliées pour autant. En 1979, l’exposition consacrée à Charles De Wailly attira sur ce dépôt l’attention de Bertrand du Vignaud. Devenu président du World Monuments Fund Europe, organisme privé de défense du patrimoine à travers le monde, ce dernier put faire aboutir l’idée d’un remontage au rez-de-chaussée de l’Hôtel de Rohan, rattaché aujourd’hui au périmètre des Archives nationales. Ayant perdu, à l’inverse de l’étage, tout intérêt patrimonial durant l’affectation de l’édifice à l’Imprimerie nationale (1808-1925), son rez-de-jardin offrait de fait les dispositions idéales recherchées. Entre 2011 et 2015, une série de conventions signées entre l’État (ministère de la Culture), la Banque de France et le World Monuments Fund, permit de finaliser le projet, le Mobilier national se chargeant du remeublement. La Banque de France assumait la majorité du financement du chantier, estimé à près de quatorze millions d’euros. Et la maîtrise d’œuvre fut confiée à l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture (Oppic).


Un chantier d’envergure

Malgré l’abondante documentation réalisée avant et durant la démolition de l’hôtel, l’opération nécessita une coordination étroite entre les architectes des Monuments historiques et l’équipe de restaurateurs dirigée par Cinzia Pasquali. En premier lieu, on dut, entre 2015 et 2017, décaisser le sol sur près d’un mètre pour trouver la hauteur nécessaire au remontage des trois pièces en enfilade sur jardin (salon, salle à manger et chambre). Il fallut ensuite réaliser les structures métalliques aptes à supporter les plafonds et accueillir la décoration murale où triomphaient, en alternance avec les lambris, de spectaculaires miroirs montant des plinthes aux corniches. Transportés à Montreuil, les décors, après études, y furent soigneusement restaurés et complétés, tel un puzzle géant, puis transférés à Paris. Déjà, les deux figures provenant du passage cocher ainsi que les allégories des quatre éléments des dessus-de-porte du grand salon d’Augustin Pajou (1730-1809), principal sculpteur de l’hôtel, avaient pu être restaurées à l’occasion de l’exposition Pajou de 1997.


Le remontage était d’une complexité extrême, induite, notamment, par la présence de trois grands plafonds dont deux à voussure, et tous originellement peints à l’huile sur plâtre. Découpées en segments, les coques qui les maintenaient ont pu être renforcées par des fibres de carbone. Le plafond du salon, le plus imposant, illustre le triomphe de l’Amour sur les dieux. Brossé en 1707 par Antoine Coypel (1661-1722), ce chef-d’œuvre à la fraîcheur retrouvée figure désormais comme seul cycle décoratif conservé, hors Versailles, de cet artiste ami de Philippe d’Orléans et qui venait de peindre pour lui, au Palais-Royal, la voûte de la galerie d’Énée (détruite). Dans l’ancienne chambre de la marquise de Voyer, on redécouvre un plafond peint en harmonie avec celui de Coypel. Réalisé en 1768 sur le thème de l’Aurore chassant la Nuit par Louis Jacques Durameau (1733-1796), son succès avait valu au peintre les commandes des plafonds des salles d’opéra du Palais-Royal (brûlé) et du château de Versailles. Le plafond d’esprit louisquatorzien de l’ancienne salle à manger est orné, en revanche, d’une toile marouflée évoquant Jupiter servi par Hébé. Due à Jean Jacques Lagrenée (1739-1821), cette composition avait remplacé, en 1772, une nuée d’Amours de Jean Honoré Fragonard, jugée, peut-on penser, trop peu à l’unisson du manifeste néoclassique voulu par le marquis de Voyer et Charles De Wailly. Autre peintre réputé, Gabriel Briard (1725-1777) décora l’antichambre, située côté cour de l’hôtel et reconstituée en arrière des trois pièces sur jardin.


Un remeublement minutieux

Ce remontage aurait été incomplet sans l’action du Mobilier national qui, depuis 2012, a accéléré sa politique généreuse de dépôt d’objets historiques et de mise à disposition de ses spécialistes – restaurateurs et historiens –, pour garantir l’authenticité des décors et les animer d’une grande impression de vie. Acquises en 2012 et 2016 par le Fonds du patrimoine et la Banque de France, deux paires de fauteuils réalisés sur des dessins de De Wailly par Mathieu Bauve (reçu maître en 1755) ont retrouvé leurs places au salon. Sans équivalent dans le mobilier français, ne pourrait-on pas évoquer ici un esprit italien ? Un inventaire du 5 octobre 1784 recense plus d’une trentaine de sièges divers dans ce salon, dont une suite de huit grands fauteuils meublants d’où devraient provenir ces fauteuils. Achevée, cette résurrection honore l’un des plus extraordinaires ensembles de décoration néoclassique préservée, in extremis, à Paris. Elle hausse également les deux hôtels voisins de Rohan et de Soubise, si riches en décors remarquables du XVIIIe siècle, en un incomparable conservatoire des arts décoratifs français du siècle.

C’est amusant, ce journaliste répète les vieilles lunes qu’on affirmait déjà lorsque ce mobilier était dans la collection Lopez-Willshaw il y a plus de 70 ans !
C’est bien simple, quand on rencontrait un mobilier un peu atypique, il était tout de suite qualifié d’italien ! Aujourd’hui, il est russe !
En outre, c’est bien mal connaître l’histoire des arts et plus particulièrement celle des arts
décoratifs au XVIIIe siècle pour avancer qu’on s’inspirait de l’Italie pour créer des sièges à Paris.

Je suis à l’hôtel de Soubise et manifestement cette annonce fait beaucoup rire
car rien n’est terminé à Rohan et aucune visite n’est prévue ce week-end ….
Connaissances des arts a été invitée à supprimer leur annonce trop pressée.

L’inauguration est prévue pour la 3e semaine d’octobre.

dans l'ombre, le mobilier national peaufine le remeublement :

Un lit à la polonaise Louis XV estampillé de Jean-Baptiste Tilliard a été couvert en 2021 d'une étoffe évoquant celle qui ornait le lit de la Chancellerie d'Orléans tel qu'il figure dans les inventaires après décès du marquis (1782) et de la marquise (1783) de Voyer.
1782 : « une couchette à la polonaise et à fond sanglé et dont tous les bois sont dorés, un sommier de crin couvert de toille à carreaux, deux matelas de laine [**] et traversin de coutil de Bruxelles rempli de duvet avec sa housse complète de damas de trois couleurs de quinze-seize bleu, avec un grand rideau aussi de quinze-seize bleu, le tout garni de frange d’or faux, prisé 2400 l. »
Pas de mention de rideaux dans la pièce.

1783 : « Une couchette à la polonaise le tout en bois doré, et avec ses roulettes et équerres, avec un fond sanglé, deux matelats de laine couverts de futaine, [sa tête] un traversin de coutil rempli de duvet avec sa housse complette de damas de trois couleurs doublé de quinze-seize bleu, deux grands rideaux de quinze-seize bleu ornés d’une frange d’or faux, prisés 800 l. »
Mention de rideaux, mais dont on dit qu’ils été rapportés de la maison de Mme de Voyer à Auteuil ;
Mention également d’une duchesse et de six chaises couvertes aussi de « damas de trois couleurs ».

Le temps d’une prise de vue, voici les deux paires de bergères recouvertes de neuf.
Le textile d’origine est non-identifié à ce jour.
La couverture moderne se rapproche des inventaires décrivant un damas aurore, blanc et bleu  sans que l’on puisse savoir quel était exactement la couleur du fond.

Indépendamment de toute considération historique, je trouve que le rose de cette soierie jure terriblement avec le bleu de la sculpture des côtés de ces bergères ! L'effet s'il est certainement riche, ne me paraît guère heureux et d'un style Louis XVI trop tardif pour ces sièges et trop "maigrelet" pour leur sculpture très grasse !! Mais peut être me trompè-je et en tout état de cause ce n'est qu'un avis finalement très personnel et peu autorisé !!!

Cher Jacob Pierre,
J’avoue m’être fait la même réflexion, le dessin des motifs est même un peu simpliste et a un côté XVIIIe revisité par les années 20, mais peut-être faut-il considérer ces sièges dans l’ensemble du décor et non isolement.

Cher Béarn,
On est pendu aux lèvres de M. Merlo qui révèle l’étendue de son travail de reconstitution des éléments perdus.

Résultat visible lors de l’inauguration le 19 octobre.

deux photos tirée d'un article du parisien :

Paris : cent ans après la démolition du somptueux palais, ses décors du XVIIIe renaissent dans le Marais
Depuis plus de quarante ans, Bertrand du Vignaud, amoureux de l’art, se bat pour redonner vie aux décors de la Chancellerie d’Orléans détruite par la Banque de France en 1923. Ce mardi, leur restitution sera dévoilée à l’hôtel de Rohan, dans le quadrilatère des Archives nationales (IIIe).

https://www.leparisien.fr/paris-75/paris-cent-ans-apres-la-demolition-du-somptueux-palais-ses-decors-du-xviiie-renaissent-dans-le-marais-18-10-2021-RUFIZUBVRZGFJK5QM56ZLMLIZY.php

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L’inauguration des décors remontés était le 19.
Il y avait la foule des grands soirs et ce fut un réel bonheur que de découvrir ces ensembles devenus légendaires en dépit de la foule.

Les espaces de l’hôtel de Rohan n’ont pas permis de reproduire la séquence originelle des pièces, le plan d’origine n’a pu être respecté et c’est une visite dans le désordre.
La hauteur des pièces était insuffisante et il fallu excaver le sol d’une vingtaine de centimètres et repousser le plafond d’un dizaine.

Néanmoins le résultat est là, et c’est une résurrection en dépit des peintures à peine sèches, de l’aspect un peu lisse - on n’est pas à l’hôtel de la Marine, de l’odeur de neuf, des textiles décevants, des éclairages épouvantables (qui seront améliorés) et de la guéguerre entre les architectes de l’intérieur et de l’extérieur (fallait-il mettre des petits ou des grands carreaux ?)

Les espaces seront visitables sur réservation le samedi puis, de manière plus large, en 2023.

La question que tout le monde s’est posé, pourquoi en ce cas se précipiter et inaugurer le 19 octobre 2021 ? On aurait pu améliorer les finitions et la présentation.

Merci pour cette première impression cher Lebrun.
quid de la politique de remeublement ? a-t-on tenté un mobilier d'après inventaires ?
quels déposants pour ces meubles : MN, Louvre, Versailles ... ?

Commençons par le double vestibule qui réunit des éléments des parties extérieures et du vestibule d’origine.

Passons au salon en descendant une marche.

L’ameublement est réduit au strict minimum, deux paires de sièges bien connus et acquis dernièrement. Ils sont complétés par une console, deux girandoles, des appliques et un lustre dont l’origine ne m’est pas connue.

Poursuivons avec la salle à manger et ses lustres aux angles pour épargner le centre du plafond.

Vient ensuite la chambre.
Le lit est un achat du Mobilier National en gré à gré. Il a été tapissé par le soin de ses ateliers.
Les luminaires ont une provenance non précisée.
Les niches entre les colonnes restent dépourvues d’ornement.

Après un méchant passage contemporain situé à l’extrémité du bâtiment, nous rejoignons l’antichambre, dernière pièce remontée.
L’extravagante console en est le seul ornement mobilier.

Merci pour ces photographies.

Quels sont les moyen de réservation pour une visite ?