Essonne : Quand Brunoy était la capitale francilienne de l’ananasLP. Nicolas Goinard| 12 octobre 2018
Bibliothèque municipale de Versailles
Sous l’ancien régime, la ville du Val d’Yerres concentrait l’une des plus grosses productions d’ananas du Royaume. Vous connaissez les
ananas Victoria qui poussent sur l’Île de La Réunion ? Vous connaissez moins les
ananas de Brunoy, Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), Versailles (Yvelines) ou même Nancy (Meurthe-et-Moselle). Pourtant, au XVIIIe siècle, ce fruit exotique poussait bien sous serre en région parisienne, mais aussi dans d’autres régions de France.
« Petit à petit, on découvre qu’il existait des productions d’
ananas ailleurs », constate Gabriela Lamy, chargée de recherches au château de Versailles (Yvelines). En juin dernier, elle a même consacré une journée au sujet dans la ville du Roi soleil. Ce samedi, c’est à Brunoy qu’une conférence a été animée par Ellie Khounlivong, historienne de l’art et des jardins qui vit sur la commune. Car sous l’Ancien régime, cette ville du Val d’Yerres était un haut lieu de la culture de l’
ananas.
« C’était l’une des plus grosses productions d’Ile-de-France », reprend Gabriela Lamy qui a découvert cette particularité en s’intéressant à la production de Versailles. « qui a presque remplacé les oranges, reprend l’historienne. L’
ananas a la particularité de pourrir dès qu’il est coupé. Il ne continue pas à mûrir. Il y a eu des tentatives d’envoi d’
ananas depuis les îles pour faire plaisir au Roi, mais les fruits arrivaient pourris. »
Jean Paris de Montmartel, un financier parrain de la marquise de Pompadour, est le premier à se faire aménager des serres chaudes pour la culture des
ananas à Brunoy. Ce modèle de serres inspire et est repris en 1755 à Choisy-le-Roi, dans le nouveau jardin particulier de Louis XV.
Les jardiniers sont pour la plupart originaires d’Angleterre ou de Hollande. Car c’est là que les premières serres ont été développées. Il y a donc un savoir-faire. Les installations fonctionnent par un chauffage au bois avec de l’air chaud qui passe dans des tuyaux. « C’est tout un art de chauffer », ajoute Gabriela Lamy.
Le site de Brunoy devient la propriété du comte de Provence, le frère du Roi Louis XVI et futur Louis XVIII. Aujourd’hui, le bâtiment n’existe plus mais les fondations subsistent sous les locaux de la crèche du 7, rue du Donjon.
Annonce de la vente d’
ananas publiée en 1792./Archives départementales de l’Essonne
Ellie Khounlivong a recensé 2 857 plans répartis sous huit bâches : « Le jardinier devait produire 300 fruits par année. » Les
ananas se vendaient, mais se louaient aussi pour décorer une table. « Le coût d’un
ananas était équivalent au salaire d’un ouvrier », précise Ellie Khounlivong. L’historienne poursuit : « Au XVIIIe siècle, ce sont les débuts de l’encyclopédie, on commence à tout inventorier, on collectionne. » Les acheteurs des
ananas sont donc des bourgeois. « Mais après la Révolution, les
ananas sont bradés, raconte Gabriela Lamy. Les acheteurs changent. Tout le monde peut s’offrir ces
ananas. »
La production disparaît ainsi de Brunoy le 30 septembre 1792, lors des enchères au cours desquelles sont vendus « 210
ananas tant gros que petits étant dans les serres chaudes de Brunoy » selon les documents des archives départementales.
Brunoy. Les serres où poussaient les
ananas se trouvaient sur les fondations de ce bâtiment municipal rue du donjon. /Google street view
UN FRUIT DOMPTÉ EN EUROPE DU NORD
Christophe Colomb a aussi découvert l’
ananas. Dès lors, le fruit exotique s’est mué en objet de fascination qu’il fallait posséder. Des recherches sont alors menées pour développer la culture sous des latitudes où l’
ananas ne pousse généralement pas. Ce sont les Anglais et les Hollandais qui, dès le XVIe siècle, sont les pionniers. Ils parviennent à faire pousser leurs premiers fruits dans des serres chaudes. Ces premiers
ananas sont régulièrement représentés dans des tableaux. En France, il faut attendre 1731. Une serre hollandaise est construite dans le potager de Versailles (Yvelines). Deux ans plus tard, deux fruits mûrs sont récoltés et présentés au monarque.