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Pierres extraordinaires au Muséum national d'Histoire naturelle
Les Echos par Gabrielle De Montmorin
Publié le 11 sept. 2020
La nouvelle exposition du Muséum national d'histoire naturelle de Paris invite à (re)découvrir aussi les trésors du musée de Minéralogie de l'Ecole des mines et de la galerie d'Apollon au Louvre, deux lieux récemment rénovés.En 1970, Roger Caillois, l'écrivain fasciné par le monde minéral, publie L'écriture des pierres dans lequel il offre de superbes pages : « C'est qu'il n'est ni être ni objet, […], ni évènement ni spectacle de la nature, de l'histoire, de la fable ou du rêve, dont un regard séduit ne puisse deviner l'image dans les taches, les dessins, les silhouettes des pierres. » Dix ans après sa mort, en 1988, 164 pièces de sa collection sont léguées au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), Van Cleef & Arpels en offrant par la suite de nouvelles. Pour sa dernière exposition, « Pierres précieuses », réalisée en partenariat avec le joaillier, le Muséum en dévoile une partie, tel ce calcaire poli dit Le Château, cette plaque polie d'onyx Calligraphie royale ou encore cette agate du Mexique, La Cime. Autant de « pierres à images » qui illustrent l'éternel pouvoir de séduction des minéraux.
C'est tout le propos de l'évènement construit à la croisée de la minéralogie, de la gemmologie et de la joaillerie. François Farges, commissaire de l'exposition, le confirme : « Nous cherchions à présenter ces pierres d'une manière ludique, fabuleuse, tout en sortant des sentiers battus. Cette exposition est conçue autant pour éblouir que pour faire réfléchir, que l'on soit novice ou expert. Chacun y retrouvera les trésors rêvés de son enfance. Pour ma part, j'adore le magnifique cristal de topaze bleue de Russie de la première partie. Nous contemplant du haut de ses 300 millions d'années, cette topaze rare dit tout d'une pierre précieuse : brillante, transparente, d'un bleu céleste me rappelant des vacances à la mer. »
Le plus vieux bijou du mondePuisés dans le demi-million de pièces que compte la collection du Muséum, 360 minéraux et gemmes racontent l'histoire de la Terre, des premiers diamants cristallisés dans ses profondeurs il y a 3,3 milliards d'années, aux huîtres marines sécrétant des perles il y a 50.000 ans. Dévoilée pour la première fois, L'Occitane de Sabine, une pépite d'or de 99 grammes trouvée dans la Montagne Noire, témoigne de la richesse de la France. Tout comme les émeraudes de Loire-Atlantique, les rubis de l'Aveyron ou encore ces deux saphirs au bleu dense du Puy-de-Dôme aux poids exceptionnels de 93,5 et 32,6 carats. La fascination des pierres brutes n'a d'égale que les objets qu'elles inspirent à l'homme.
À commencer par ce coquillage de 90.000 ans, considéré comme le plus vieux bijou du monde. Ressortie des réserves pour l'occasion, malgré sa tonne et demie, la Grande Table des Orsini s'inscrit dans l'âge d'or du mobilier florentin en pierres dures telles que jaspe, lapis-lazuli et serpentine. La virtuosité humaine s'exprime aussi à travers les 250 bijoux Van Cleef & Arpels ponctuant les salles. Exposé pour la première fois en France, un collier commandé par la reine Nazli d'Egypte pour le mariage de sa fille avec le prince héritier d'Iran brille des feux de 673 diamants alternant taille baguette croissante et taille brillant.
Dans un style autre, « l'Arbre aux Tourmalines » de Jean Vendôme traduit une joaillerie contemporaine osant monter en bijoux des minéraux naturels. « Remis en état à la faveur de l'exposition, c'est pour moi une oeuvre d'art au carrefour de la joaillerie, du design et de la sculpture, qui porte cette référence à Caillois qui nous est chère » souligne Nicolas Bos, Président de Van Cleef & Arpels.
Un grand cabinet de curiositésAutre lieu parisien que les amoureux des pierres doivent (re) découvrir, le Musée de Minéralogie de l'Ecole des mines profite de nouvelles vitrines de gemmes taillées et de nouveaux éclairages des vitrines systématiques, c'est-à-dire classées par familles chimiques, qui valent le détour. Nullement concurrent du Muséum - il lui a prêté opales, saphirs et une très belle olivine pour l'événement -, il en est complémentaire. « L'Ecole des mines a été fondée en 1783 et le Cabinet de minéralogie en 1794 avec un objectif stratégique : faire l'inventaire des ressources minérales de la République pour se mettre au service de l'industrie. Il sert évidemment aussi à l'enseignement des élèves de l'Ecole, formés pour devenir des ingénieurs miniers. L'acte fondateur de la collection précise qu'une journée au moins sera réservée au grand public », précise Didier Nectoux, le pétillant conservateur du lieu rebaptisé Mînes Paris Tech.
Riche de 100.000 pièces, minéraux, roches, météorites et environ 700 pierres précieuses, le musée en expose 4.000 que 15.000 visiteurs admirent chaque année. Il y a la pyrite géométrique, « l'or des fous », l'aragonite échevelée venue du Tyrol, le cristal d'Eskefjord ou Spath d'Islande , l'éventail pourpre de l'érythrite du sud-marocain, la tugtupite ténébrescente du Groenland, pour ne citer qu'eux. « Dans ce grand cabinet de curiosités hérité des siècles précédents, les objets nous servent de support pour narrer des histoires, scientifiques, techniques d'aujourd'hui et d'hier. Mes préférés ne sont pas forcément les plus beaux, mais sont ceux qui ont le plus à raconter. Par exemple, la sépiolite donne l'impression de voir une Vénus paléolithique ou un Botero à la forme tout à fait suggestive. Or, aucune main de l'homme n'est venue le sculpter, c'est une figure d'érosion donnant naissance à cet assemblage de petites particules argileuses. La sépiolite sert à sculpter les fourreaux de pipe. Les minéraux sont beaux, mais aussi utiles, c'est notre slogan. »
Témoins de la grande histoire, les gemmes des joyaux de la Couronne sont aussi là. Créée et déclarée inaliénable par François Ier, la collection a été transmise et enrichie de règne en règne, au point de compter 77 486 pièces que l'Etat met en vente en 1887. Pour Didier Nectoux, « c'est un acte politique visant à détruire un symbole de la monarchie. Quelques pièces ont été heureusement épargnées en étant attribués à trois musées parisiens, le Louvre, le Muséum d'Histoire naturelle et l'Ecole des mines ». Cette dernière expose notamment une suite de 42 émeraudes colombiennes de Muzo ayant été serties sur la couronne du sacre de Napoléon III ou les topazes roses, dites « rubis du Brésil », de l'impératrice Marie-Louise.
Une source de fascinationRouverte après dix mois de travaux grâce au mécénat de Cartier, la galerie d'Apollon au Louvre offre un nouvel écrin aux joyaux de la Couronne. Enfin réunis, 23 bijoux, dont une grande partie a été rachetée, s'exposent dans trois vitrines chronologiques déployées de l'Ancien Régime au Second Empire. Avec ses 15 mètres de hauteur sous la voûte dans laquelle s'enchâssent les oeuvres d'art, 105 au total avec le décor des murs, la majesté du lieu souligne celle des gemmes. Ainsi le Régent, considéré par sa pureté et la qualité de sa taille en brillant comme le plus beau diamant du monde. Découvert en 1698 à Golconde, la mine indienne légendaire, il est taillé durant deux ans en Angleterre pour atteindre 140 carats, il en faisait 426. Acheté par Philippe d'Orléans, il est porté par Louis XV, sur sa couronne de sacre, puis son chapeau. Il voisine avec le Sancy, un diamant de 55 carats placé sur les couronnes de Louis XV et Louis XVI.
Non loin, la Côte de Bretagne, un spinelle rouge de 107 carats taillé en dragon représente la plus ancienne pierre de la collection puisqu'il fut choisi par François Ier. Réalisé par la maison Bapst, la longue broche « rocaille » de l'impératrice Eugénie dévoile deux diamants en forme de coeur issus des dix-huit grands diamants légués par Mazarin à Louis XIV, tandis que le diadème de la duchesse d'Angoulême, la fille de Louis XVI, est un chef-d'oeuvre joaillier de la Restauration. La fascination qu'exercent les Diamants de la Couronne se confirme.
*« Pierres précieuses », du 16 septembre 2020 au 14 juin 2021, Grande Galerie de l'Evolution, Paris.
Gabrielle de Montmorin