Étienne Allegrain, Vue cavalière du château, jardins bas et de la ville de Saint-Cloud (détail).
Château de Versailles, MV743
Entretenir la présence du Prince :
la gestion des sites royaux (XIVème-XIXème siècles)
Château de Versailles, 15, 16 & 17 septembre 2021 Ce colloque international est une collaboration entre le Centre de recherche du château de Versailles (CRCV), l’université du roi Juan Carlos, Madrid (URJC), et l’université d’Utrecht (UU)Afin de promouvoir et de consolider leur pouvoir, les souverains européens ont construit et étendu leur présence à travers de multiples « sites royaux » dès la fin du Moyen Âge. Néanmoins, si la construction et l’extension de la présence du prince ont été très importantes dans le développement et l’affirmation de sa souveraineté, qu’en est-il de sa préservation à travers le temps ?
La réponse est à chercher dans la deuxième partie de la vie de ces lieux, lorsque le temps de la construction et de l’aménagement est terminé et que débute celui de leur usage par le prince et sa cour. L’entretien est alors la clé pour assurer la continuité de la démonstration de la magnificence et de la stabilité du régime, ces sites royaux étant l’incarnation du pouvoir du prince.
Alors que la conception et la construction de l’architecture de la cour et des espaces royaux ont une longue et vaste historiographie, la manière dont ces sites ont été entretenus a rarement été un sujet d’étude en soi. Pourtant, leur entretien était d’une grande importance et avait une dynamique particulière et exigeante. L’entretien n’a suscité l’intérêt des chercheurs que récemment, et si les périodes allant de l’Antiquité à la fin du Moyen Âge et du xixème siècle jusqu’à nos jours ont été prises en compte, la maintenance au début de la période moderne est encore un domaine peu étudié. Cependant, c’est à cette époque que les nouveaux organismes de construction et d’entretien ont évolué vers des administrations indépendantes et complexes, comme les « King’s works » en Angleterre, la « Surintendance des Bâtiments du roi » en France et la « Junta de Obras y Bosques » en Espagne.
Ces organisations constituent les racines des administrations modernes. Elles étaient responsables des vastes « sites royaux » qui comprenaient tous les biens appartenant à la dynastie régnante. Ces derniers ont également servi de centres de pouvoir qui ont contribué à façonner les premières monarchies modernes, en particulier au xviième siècle, lorsque différents monarques les ont utilisé pour faire face aux défis adressés à leur autorité. Cette « géographie royale » ne comprenait pas seulement les résidences où le souverain et les autres membres de la dynastie résidaient, mais aussi d’autres lieux associés au fonctionnement de la cour, comme les forêts, les jardins, les terres agricoles, les usines et les espaces urbains. Dans certains cas, l’administration était également responsable des monastères et couvents royaux fondés ou soutenus par la famille royale.
Faisant suite à la conférence « Building the Presence of the Prince[1] » qui s’est tenue à Utrecht en novembre 2019, ce colloque international vise à réunir des experts de différents domaines historiographiques (histoire, histoire de l’art, histoire de l’architecture et pensée politique), avec pour objectif de développer une analyse comparative sur la manière dont les espaces royaux étaient entretenus dans une perspective transnationale et diachronique (xiv-xixème siècles).
Le cadre chronologique de ce colloque est intentionnellement celui de la « longue durée », permettant ainsi l’examen des questions traitant de l’entretien depuis la naissance de la géographie royale et de ses développements jusqu’au xixème siècle, lorsque les lieux et espaces royaux ont été transformés en sites du patrimoine national, et qu’en conséquence, l’accent a été mis sur la conservation et les restaurations.
Thèmes et pistes de recherche
Thèmes et questions de recherche :Concepts et modèles Définition : La maintenance a-t-elle été théorisée de la même manière que la construction l’a été et si oui, comment ? Quelles sont les différentes facettes de la maintenance ? Y a-t-il eu de nouveaux aspects de la maintenance qui sont apparus ou disparus entre le xivème et le xixème siècle ?
Représentation : Dans quelle mesure l’état d’un lieu reflétait-t-il l’incarnation symbolique du pouvoir du prince ? Comment et quand la maintenance a-t-elle été privilégiée par rapport aux nouvelles constructions ?
La temporalité : L’entretien se faisait-il uniquement de manière ponctuelle ou par cycles récurrents ? En quoi la gestion différait-elle entre les sites principaux et ceux de la périphérie ? Et que se passa-t-il en période de désaffection, lorsque le prince ne résidait plus ou n’utilisait plus un site royal (Versailles après 1643 et 1715, etc.) ?
La technologie : De nouvelles conceptions et technologies ont-elles été développées pour faciliter l’entretien ? Les coûts d’entretien ont-ils été pris en compte lors de la conception et de la construction de nouvelles constructions ou de nouveaux sites ? Y a-t-il eu un échange ou un transfert de connaissances en ce qui concerne la pratique de la maintenance ?
Institutions et personnes Gérer l’entretien : Comment l’entretien était-il géré et quelle(s) institution(s) en avait (avaient) été chargée(s) ? Le travail était-il organisé par une gestion directe ou par contrat ?
La vie des institutions : En fonction de l’intensité des travaux et des moyens disponibles, les organismes de maintenance ont connu des fluctuations importantes en termes de taille et de complexité au fil du temps. Cependant, leur développement a également été influencé par d’autres facteurs. Dans quelle mesure ont-ils été façonnés par d’autres institutions royales (telles que la Chambre des comptes, l’armée), qui ont connu de nombreuses difficultés logistiques comparables (organisation de forces [de travail] importantes, transport de marchandises lourdes, etc.) ? Et y avait-il une mémoire administrative, ou la roue était-elle réinventée à l’infini ?
Les officiers et les entrepreneurs : Qui supervisait l’entretien des sites royaux ? Étaient-ils les mêmes que ceux qui ont construit les palais, les jardins ou les fontaines ? Et quels étaient leur origine et leur statut social, étaient-ils des officiers de la couronne ou des entrepreneurs privés ? Faisaient-ils partie de la cour du souverain, ou en étaient-ils complètement séparés ? Leur position sociale a-t-elle changé avec les différentes phases de la vie des bâtiments ?
XIXème siècle : Comment le passage des sites royaux aux sites nationaux a-t-il affecté l’entretien ? Comment la maintenance a-t-elle été influencée par les idées émergentes sur le patrimoine national ?
Finances Coûts : Quel était le coût de la maintenance ? Comment les budgets étaient-ils déterminés et gérés ? Quels types de mesures d’économie ont été utilisés par les organismes de maintenance ? Ont-elles porté sur une meilleure gestion de la main-d’œuvre, sur l’achat de matériaux (y compris la réutilisation et le recyclage des matériaux) ou sur l’utilisation de nouvelles technologies ?
Le choix d’arrêter la maintenance : Quelles ont été les conséquences sur la maintenance lorsque le coût dépassait le budget du souverain ? Quelles politiques ont été développées pour faire face aux déficiences à court et à long terme ?
Codirection :
José Eloy Hortal Muñoz (URJC)
Merlijn Hurx (UU)
Benjamin Ringot (CRCV)
Comité scientifiqueMathieu da Vinha (CRCV)
Krista De Jonge (KULeuven)
Herbert Karner (Universität Wien-Österreichische Akademie)
Alexandre Maral (CRCV)
José Martínez Millán (UAM)
Andrea Merlotti (Venaria Reale)
Simon Thurley (Institute of Historical Research/Gresham College, UK)
(A suivre ...)