Oui, je suis assez d'accord avec vous mais seulement en ce qui concerne les décors et encore pour la première partie du règne de Louis XVI et Marie-Antoinette.
Il est clair qu'à Versailles, en raison du "grand dessein" dès le milieu du règne de louis XV, tout ce qui est entrepris dans les cabinets royaux est du bricolage, du très beau et très luxueux bricolage mais du bricolage tout de même : entresolement à tous les étages dans les trois sens (hauteur, largeur, profondeur), on remploie des boiseries d'une pièce à l'autre, on recycle des tentures d'un étage à l'autre, on conserve dans les antichambres des lustres à lacé d'époque Louis XIV, on utilise des meubles récupérés dans d'autres salles (sièges dans les cabinets de Louis XV à la fin de sa vie), d'autres appartements réaffectés (commodes de ses filles comme celle de Madame Louise), etc.
Cependant il n'en allait pas de même pour le mobilier d'ébénisterie.
Les créations de Riesener pour Louis XVI (commode de la chambre) pour Marie-Antoinette (mobilier de laque du cabinet doré), le serre-bijoux de la reine, le bureau à cylindre à jeux d'orgue du roi, etc. sont tout aussi luxueux (si ce n'est plus encore) et du dernier goût à leur date de livraison que les belles commodes de Compiègne ou le mobiier de nacre de la reine à Fontainebleau.
Concernant les décors de la seconde moitié du règne (singulièrement après la naissance du Dauphin chez la reine) force est de constater que les boiseries nouvellement créées sont du plus grand luxe : la sculpture revenait plus cher que la peinture d'arabesque : méridienne, cabinet doré, salle de bain et chambre du rez-de-chaussée, bibliothèque de Louis XVI dès son avènement, garde-robe juste avant la Révolution ...
Si Compiègne nous parait si moderne, méfions-nous de notre regard d'Homme du XXIe siècle : la quasi-absence de dorure n'est pas l'effet d'une modernité supposée ou du goût personnel des souverains ni de celui de leurs contemporains, c'est le produit de mesures d'économie.
Il faut y voir en effet plutôt la conséquence du déficit (déjà) abyssal de l'Etat avant la Révolution. Comment expliquer autrement que ni le roi, ni la reine n'ont vu cette demeure enfin meublée et n'y ont plus mis les pieds après 1786 pour le roi et 1783 pour la reine alors que les travaux de reconstruction et de décor du château venaient enfin de s'achever ? Et d'ailleurs le remeublement se prolongera jusqu'en 1792 ! De fait, ils n'ont jamais vu une grande partie des meubles ou des décors achevés pour eux à Compiègne, ils n'ont pas pu ni les aimer, ni les critiquer.
Les travaux d'architecture entrepris sous Louis XV à Compiègne ou de décoration sous Louis XVI à Fontainebleau (salon des jeux, chambre et boudoir de la reine) s'expliqued'abord par le fait que ces deux maisons étaient très vieilles (antiques ou gothiques auait-on dit à l'époque) : Fontainebleau à l'exception d'une aile et d'un pavillon datait essentiellement de la Renaissance et surtout d'Henri IV, Compiègne du moyen-âge ou du 17e siècle !
Versailles était alors, bien qu'inachevé ou imparfait côté cour, plutôt récent ...
Donc en guise de conclusion, Compiègne n'était certainement pas ni plus "royal", ni plus "à la mode" que Versailles.
Fontainebleau fut très luxueux pour Marie-Antoinette mais sur le tard, et ne reflètait probablement pas plus ni moins le goût des souverains que Versailles, Trianon ou Saint-Cloud !
Enfin Louis XVI était très attaché à Versailles qui l'avait vu naître, il s'y sentait réellement et comme viscéralement dans sa véritable maison de famille, ce qu'elle était en effet.