«1704, Le salon, les arts et le roi»
Aticle de La Tribune de Genève
L’exposition a eu lieu en 1704 dans la Grande Galerie du Louvre. Ce n’était pas là une absolue nouveauté. Un salon (le mot n’était pas encore utilisé) avait déjà eu lieu là en 1667, 1669, 1671, 1673 et 1699. Il s’agissait de présenter les productions récentes d’artistes reçus à l’Académie royale. N’oublions pas que le monde des galeries restait à inventer, même s’il existait déjà un florissant marché de l’art.
La production présentée à ce Salon se retrouve, pour petite partie, à Sceaux. Les Ecuries du château, transformées en lieu culturel, accueillent non seulement des tableaux, mais des gravures et de dessins. Si ces derniers se retrouvent aux murs à titre informatif, des estampes ont bel et bien été présentées à Paris en 1704. Deux commissaires, Frédérique Lanoë et Dominique Brême, ont travaillé sur le sujet, pratiquement neuf.
Redécouvertes à faire«C’est vraiment là le trou noir de la peinture française», explique Karen Chastagnol, qui a œuvré sur Nicolas Colombel. «Si l’art français passionne jusqu’à la mort de Le Brun, en 1690, et à celle de Pierre Mignard, en 1695, c’est le silence jusqu’à l’émergence de Watteau vers 1710.» Et pourtant! Il s’agit d’un moment de césure. L’art officiel, fait d’immenses peintures religieuses et d’énormes compositions mythologiques, commence à lasser. Louis XIV lui-même, roi depuis 1643, veut «de l’enfance partout».
Quelques grands noms, déjà étudiés pour eux-mêmes mais non pas en fonction d’un contexte, se détachent. Il y a Antoine Coypel, Charles de La Fosse, Jean Jouvenet, François de Troy. Les portraitistes Nicolas de Largillière et Hyacinthe Rigaud. D’autres attendent encore leur monographie. C’est le cas de Jean-Baptiste Santerre ou des frères Bon et Louis de Boullogne. Il faudra en prime compter sur la redécouverte de multiples inconnus. Bien des Académiciens royaux d’alors ne sont plus que des noms.
Le temps des ducs du MaineTrès décorée, l’exposition se case comme elle peut dans les écuries. L’immense Orangerie, bâtie par Mansart, eut mieux convenu, de l’autre côté du parc dessiné par Le Nôtre. Le lieu n’en reste pas moins magique. Si le château actuel, construit vers 1850, ne peut pas se targuer d’être une réussite architecturale, nous sommes ici dans un domaine qui a atteint son apogée vers 1704. Y régnaient alors le duc du Maine, fils illégitime de Louis XIV et de Madame de Montespan, et surtout la pimpante duchesse. Elle y tenait une véritable cour, autrement plus riante que celle de Versailles.
Il y a ainsi, au fond du rez-de-chaussée des Ecuries, un point de jonction. Un immense François de Troy, racheté il y a quelques années pour Sceaux, montre «La rencontre d’Enée et de Didon», chaque figurant ayant les traits d’un familier des Maine. La duchesse s’était bien entendu réservé le rôle de la reine de Carthage. L’œuvre a fait sensation au Salon de 1704, choquant au passage le duc de Saint-Simon, qui trouvait à cette mascarade fort mauvais genre.
Catalogue en attenteAprès 1704, il n’y eut plus de Salon jusqu’en 1725. Il allait alors devenir annuel, puis biennal dès 1751. Bien avant Venise, Paris possédait donc sa Biennale!
Un dernier mot. Il aurait fallu, pour expliquer tout ça, un catalogue bien dodu. Il fait défaut. Si Frédérique Lanoë était prête à temps, Dominique Brême a pris du retard. «Le sujet me semble trop important pour donner lieu à un ouvrage bâclé. Le livre sortira dès que possible», assure fièrement ce dernier. On attend donc de pied ferme.
Infos pratiques :
parc de Sceaux, Ecuries, jusqu’au 30 juin.
Ouvert tous les jours, sauf mardi, de 10h à 13h et de 14h à 17h30, jusqu’à 18h le dimanche.
Site
www.domaine-de-sceaux.hauts-de-seine.net Je propose une découverte de cette exposition le samedi 15 juin 2013 et une visite du domaine de sceaux qui retrouve ses parterres à la française